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For now we see through a glass, darkly...

Un blog consacré aux cinémas de tous âges et de tous horizons


On connaît la chanson, Alain Resnais, 1997

Publié par Romaric Berland sur 31 Août 2013, 07:50am

Catégories : #Cinéma européen

Plus gros succès populaire d'Alain Resnais, On connaît la chanson est une proposition de cinéma jubilatoire, délicieuse, balançant constamment entre l'euphorie de la comédie et la gravité désespérée du drame. Film choral suivant les déambulations sentimentales de personnages aux destins croisés, On connaît la chanson est une espèce de variante sur le genre de la comédie musicale : les personnages, au détour d'une scène ou même d'une réplique, entonnent en play-back des chansons populaires françaises dévoilant leur intériorité, ou explicitant leurs états d'âme. Loin d'être un simple argument esthétique, le procédé permet comme toujours chez Resnais l'intrusion de l'imaginaire dans la réalité. Face aux tracas les plus futiles ou les plus angoissants, les personnages se pensent en fonction de modèles de représentation liés aux chansons populaires (on a tous une chanson en tête en fonction de notre état d'esprit). Mais contrairement à une comédie musicale classique où les acteurs chantent eux-mêmes les chansons et où la musique apparaît toujours comme un instant de communion entre les individus, On connaît la chanson perturbe ce beau mécanisme : les instants musicaux sont souvent des moments de déploration solitaire, et le procédé du play-back (où c'est littéralement la voix d'un autre qui parle) induit l'idée d'une aliénation des personnages, d'une dissociation de leur intériorité qui se dissout dans la musique. De manière intéressante, Alain Resnais essaie toujours de faire surgir les chansons à l'improviste, de façon inattendue : on a le sentiment que les personnages, tels des automates, se dérèglent et se mettent à chanter mécaniquement une partition qui délivre leur intériorité refoulée, angoissée.

Car en vérité, On connaît la chanson est une comédie sur la dépression -c'est là tout son beau paradoxe. Loin des grands sujets historiques et philosophiques de ses débuts, Resnais s'attache plus que jamais (presque comme Woody Allen) à dépeindre les égarements de petits personnages faibles, futiles, piégés dans des dilemmes vains et des relations amoureuses sans passion. Agglomérats de solitudes, les personnages d'On connaît la chanson errent en quête d'un bonheur qui se dérobe encore et toujours, quand bien même ils ont toutes les raisons du monde d'être heureux. Après Smoking/No smoking, formidable exemple d'une comédie amère aux notes douloureusement pessimistes, le duo Agnès Jaoui/Jean-Pierre Bacri accouche d'une comédie d'une belle profondeur dans laquelle ils se moquent de la vacuité existentielle de nos vies trop petites, trop mesquines. Ainsi, même si Resnais ne rend plus compte depuis les années 60 des grands traumatismes historiques et des angoisses philosophiques du monde moderne, le réalisateur tire dans l'exploration du monde contemporain le même constat. La vie des personnages d'On connait la chanson est aussi dévastée que le fut la ville d'Hiroshima. Mention spéciale à l'ensemble du casting, superbe : Jean-Pierre Bacri, Sabine Azéma, Lambert Wilson, Pierre Arditi, Agnès Jaoui, André Dussollier et Jean-Paul Roussillon.

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