Cold War, Pawel Pawlikowski, 2018

Un temps pour aimer et un temps pour mourir.

Avec Cold War, Pawel Pawlikowski passe le mélodrame au tamis pour ne garder que les miettes : soit une collection de scènes sentimentales et musicales, où le potentiel romanesque de son histoire d'amour est constamment empêché par le contexte historique, politique et intime des personnages, coincés entre les blocs soviétiques et américains. Avançant à un rythme haché, le long d'une narration trouée d'ellipses, le long métrage cultive la dissonance, souffle le chaud et le froid, la passion et la glaciation des sentiments, au gré de situations où l'harmonie musicale et affective est constamment contrariée.

De Paris à Varsovie, Cold War devient la chronique d'un couple voué à l'exil, libre nulle part, coincé dans les bornes d'un cadre oppressant, celui d'une époque où l'amour est impossible. Tout l'enjeu des personnages sera alors celui-là : s'évader du champ de la caméra comme d'une prison métaphysique qu'ils emportent partout avec eux, passer "de l'autre côté" (non plus des frontières géopolitiques, mais de la vie même) pour enfin vivre leur amour hors de portée de tout et de tous.

Sorte de La La Land tragique et en noir et blanc, Cold War ne libérera à aucun moment l'émotion dont il est porteur, et tire toute sa beauté de cette rugosité formelle et sentimentale. On touche à la perfection.