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For now we see through a glass, darkly...

Un blog consacré aux cinémas de tous âges et de tous horizons


The Raid, Gareth Evans, 2012

Publié par Romaric Berland sur 20 Août 2013, 18:01pm

Catégories : #Cinéma asiatique

Petite bombe de festival depuis le début de l'année 2012, The Raid est sorti sur nos écrans précédé d'une réputation enviable. Accompagné d'une campagne de pub particulièrement efficace et d'un déluge de critiques volontiers élogieuses, The Raid a fait saliver tout en suscitant la méfiance (c'est pas la première fois qu'on s'est fait avoir par des films annoncés comme des bombes qui tenaient en vérité plus du pétard mouillé). Ne mâchons pas nos mots mais gardons la tête froide : The Raid est bel et bien une bombe, un shoot d'action non-stop, une déflagration de violence furieuse, hypnotique et frénétique, riche d'expérimentations visuelles et techniques en tout genre. Mais cette virtuosité et ce déferlement spectaculaire ont un prix : celui de sombrer dans le grand-guignolesque, dans l'outrance et surtout dans la violence gratuite. The Raid, c'est donc un exercice de style réussi haut la main, mais il n'en demeure pas moins froid, et un peu vain.

Le bébé de Gareth Evans se révèle un film d'action majeur. Il procède à la fois à une modernisation du cinéma d'action (poussé dans ses derniers retranchements), et en même temps il opère un retour en arrière, vers le cinéma d'action des années 70 et 90. Face à l'industrie hollywoodienne qui s'enlise dans la surenchère technique et qui se perd dans des scénarios trop sophistiqués, The Raid fait le choix audacieux de revenir à une simplicité louable : des flics+des voyous+un bâtiment = castagne à tous les étages. Plutôt que de mentir sur ses intentions en écrivant une histoire faussement originale, Gareth Evans a donc choisi de faire de son scénario un simple dispositif qui va lui permettre de se focaliser sur l'action et la mise en scène de la violence. Par la même occasion, en faisant le choix du huis-clos, le réalisateur renoue avec une donné essentielle du cinéma d'action : la contrainte. En refusant la liberté créatrice qu'offre aujourd'hui l'ère numérique, Gareth Evans renoue avec les questions fondamentales de la mise en scène de cinéma : comment filmer telle scène, telle action dans un espace donné et limité ? L'exiguïté des couloirs, la rigidité des structures, l'espace confiné qu'incarne une pièce ou un bâtiment deviennent un défi de tous les instants et un moyen formidable pour le réalisateur de renouveler les scènes de baston. Il faut se réapproprier l'espace et le reconfigurer pour en faire non plus une contrainte mais un avantage : de ce point de vue The Raid est une totale réussite tant le réalisateur repense la totalité de son décor pour l'adapter à ses exigences. Tout devient propice à l'action : un couloir, un seuil de porte, un mur, des escaliers, des néons, bref, chaque structure peut in fine avoir son utilité dans l'action. Le travail très poussé d'Evans dans la mise en scène des combats issus du silat, art martial indonésien particulièrement impressionnant, donne lieu à des scènes d'action jamais vues, inédites, d'une violence à couper le souffle. Le cinéaste envisage toutes les possibilités qu'offre le silat au sein de son dispositif scénique confiné et les déploie jusqu'à l'épuisement.

Quelque part entre Assaut de Carpenter, Piège de Cristal de McTiernan, The Killer de John Woo et Breaking News de Johnnie To, The Raid compile le meilleur du cinéma d'action, tout en s'inscrivant dans la tradition du film de combat issu de Bruce Lee et de la Shaw Brothers. On a donc ici une synthèse d'un genre dont les possibilités sont poussées jusqu'au bout, à tel point qu'on se demande ce qu'il reste à faire dans le genre de l'action après The Raid qui enchaîne les scènes de combat jusqu'à la lassitude, l'épuisement, l'écoeurement.  En ce sens, là réside la force du film et son inévitable faiblesse : exploration gratuite d'une expérience esthétique de la violence, The Raid n'arrive pas à transcender son simple statut d'exercice de style. La gratuité des effets et des scènes entraîne donc un certain sentiment de malaise chez le spectateur qui prend un plaisir sadique à voir des hommes se massacrer dans une boucherie sans nom. Le côté ludique du film est donc à double tranchant. C'est une expérimentation artistique très réussie, mais qui tient aussi du jeux vidéo régressif, réveillant notre goût du sang à l'image d'une corrida ou d'un combat de gladiateur brutal... Ainsi, oui, nous pouvons accorder à The Raid son statut de phénomène cinématographique, mais restons calme et sachons déceler derrière la virtuosité indéniable de cet exercice de style les limites d'un film sans âme.

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