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For now we see through a glass, darkly...

Un blog consacré aux cinémas de tous âges et de tous horizons


Dans la brume électrique, Bertrand Tavernier, 2009

Publié par Romaric Berland sur 30 Janvier 2014, 17:49pm

Catégories : #Cinéma européen, #Cinéma américain

Avec Dans la brume électrique, Bertrand Tavernier donne corps à toutes ses amours : la littérature, l'histoire et bien entendu le cinéma américain. En adaptant le roman éponyme de James Lee Burke, le réalisateur français produit un exercice de style d'une belle tenue en forme d'hommage, tout en construisant un film d'une authentique cohérence avec son oeuvre passée.

Oscillant entre le polar et le fantastique, Dans la brume électrique suit la déambulation de l'inspecteur Dave Robicheaux (Tommy Lee Jones, taillé pour le rôle) qui enquête sur deux affaires parallèles dans la Louisiane post-Katrina : le meurtre en série de jeunes femmes sauvagement assassinées, et les restes découverts d'un Noir lynché dans les années 60. L'intrigue policière se révèle un pur prétexte à une traversée de la Louisiane, et à travers elle, à une remontée dans les traumas refoulés de l'Histoire américaine (l'esclavage, la ségrégation et la Guerre de Sécession tout particulièrement). Tavernier se coule à merveille dans l'imaginaire américain du Deep South et de la Louisiane, dans cette région porteuse des stigmates du passé, à la fois poisseuse et poétique, inquiétante et fantastique. Le fantôme de William Faulkner imprègne bien évidemment cette Brume électrique. De Faulkner à Burke, Tavernier convie toute une tradition littéraire et culturelle, celle du southern gothic, où les fantômes propres et figurés du passé hantent de manière fantastique un présent figé et pétrifié, celui d'un Sud toujours en crise et qui n'en finit pas de pourrir dans la moiteur des marécages.

La beauté du geste de Tavernier est de se saisir de tout ce matériau littéraire, imaginaire et socio-culturel pour le rejouer et le transposer tel quel, sans chercher à se l'approprier violemment. L'irruption si singulière du fantastique dans le réalisme du polar est traitée par le cinéaste au premier degré, avec simplicité, sans ironie et sans distance, quitte à surprendre. Mais c'est bien là que réside le charme atypique de cette Brume électrique : Tavernier plonge dans l'inquiétante étrangeté du récit de Burke, dans l'imaginaire américain, le folklore de la Louisiane sans jamais rien retrancher. Il aménage de perpétuelles ruptures de tons, jongle tel un équilibriste entre l'intrigue policière, ses explosions de violence sèches et efficaces, et la déambulation fantastique dans le bayou. Au spectateur de se laisser porter ou non par le rythme décontracté et le charme confondant de ce petit polar joliment fait. En tout cas, avec cette Brume électrique, Tavernier nous montre que le classicisme de son cinéma est encore d'une très belle tenue. Cette expérience américaine lui permet enfin de toucher du doigt cette terre de cinéma qui l'a toujours fait fantasmer, de Around Midnight en passant par l'adaptation du roman pulp de Jim Thompson avec Coup de torchon.

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