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For now we see through a glass, darkly...

Un blog consacré aux cinémas de tous âges et de tous horizons


Le Hobbit : un voyage inattendu, Peter Jackson, 2012

Publié par Romaric Berland sur 11 Décembre 2013, 08:53am

Catégories : #Cinéma australien et néo-zélandais, #Cinéma américain

A priori, sur le papier, on avait toutes les raisons du monde de détester ce Hobbit : d'abord, l'impression nauséabonde que réalisateur comme producteurs avaient envie de faire marcher la machine à billet jusqu'à l'épuisement; ensuite, la décision d'adapter un unique livre en trois films de près de 3h chacun, histoire de multiplier les gains (l'effet Harry Potter et Twilight est passé par là malheureusement). On ne parle pas non plus de la rapidité avec laquelle le film a fini par sortir de l'atelier (après une pré-production où le scénario a eu le temps de dormir dans les oubliettes des studios) ce qui semblait trahir la hâte de l'exploitant à vendre son bon produit (là où des années de travail laborieux a épuisé Peter Jackson sur Le Seigneur des Anneaux). Enfin -et c'est peut-être la peur la plus fondée- la crainte du déjà-vu, de la redite agaçante.

Autant le dire tout de suite, si toutes nos craintes ne sont certes pas démenties, il est bien difficile de faire la fine bouche devant cette montagne russe cinématographique, ce joyeux bordel régressif et enchanteur, ce pur cinéma pop-corn dénué de sérieux. Tellement soucieux de nous faire plaisir, Peter Jackson met les p'tits plats dans les grands, et sort tous les tours qu'il peut avoir dans son chapeau de magicien. Sans aucun sens de la mesure et en ne faisant jamais dans le détail, le réalisateur se lâche encore plus que dans la précédente trilogie, laissant libre cours à toutes les folies qui lui passent par la tête (et peu importe si ça ne tient pas debout). On retrouve un peu la démesure de son King Kong mais beaucoup mieux gérée dans cet univers de contes et de légendes, mené par un entrain proprement enfantin. Car oui, Le Hobbit est mené à un rythme éreintant, un rythme de fou, enchaînant les péripéties sans souci de laisser respirer le spectateur, et quitte à ce que cela entame la compréhension de l'histoire. Il y a une espèce de générosité puérile de la part de Jackson, qui veut tout donner, parfois même trop, un peu comme une mamie qui veut gaver ses petit-enfants pour être sur qu'ils ont bien mangé. Mais on lui pardonne volontiers, parce que ça vaut souvent le détour.

Néanmoins, soyons ingrats et crachons un peu dans la soupe : si Le Hobbit brille par son programme, il ne brille pas dans sa mise en scène incroyablement brouillonne, très plan-plan, toute rivée à servir les effets spéciaux. On n'est pas loin des images pixellisées à outrance des récents Star Wars... On regrette surtout que Peter Jackson n'ait pas récidivé les prouesses artisanales du Seigneur des Anneaux, où, avant d'utiliser en dernier recours les effets visuels (pour les mouvements d'armée, les dragons, et autre Gollum impossibles à figurer en live), le réalisateur et son équipe employaient surtout des techniques à l'ancienne (maquillage, déguisement, décors construits etc...) Si la Nouvelle-Zélande prêtait ses traits à l'univers de l'ancienne trilogie, la Terre du Milieu est essentiellement devenue un univers de pixels abusivement coloré, flashy, et où les fameuses 48 images par secondes (détail à peine perceptible) semblent au contraire renforcer l'artificialité de l'ensemble. Plus cruel encore est le rapport distancié et finalement assez indifférent du metteur en scène vis-à-vis de ses personnages, dont il n'a cure. Si la troupe de nains est un groupe indistinct où on ne sait jamais qui est qui, la place attribuée à Bilbon, le personnage principal, frôle la figuration à tel point qu'il disparaît régulièrement du récit. Martin Freeman cabotine le jeu de Ian Holm, et parvient difficilement à être aussi touchant que le fut Frodon. Jackson a du mal à faire vivre son groupe comme il l'avait fait avec sa communauté de l'anneau (ce qui n'empêche pas les nains d'être une bande de joyeux drilles attachants).

Enfin, et peut-être tenons-nous là le problème le plus profond, le film a beaucoup de mal à se dégager de la première trilogie. En mettant Peter Jackson à la barre, tel était le risque : le spectacle est rempli, mais la nouveauté n'est pas là. Chaque plan renvoie à un précédent déjà tourné dans le Seigneur des Anneaux, chaque situation a déjà été vue, et on connait déjà le dénouement de certaines séquences (celle des Trolls par exemple). Plus encore, l'histoire est jalonnée par les mêmes étapes (Fondcombe notamment). Dans Le Hobbit , on a donc l'impression que Jackson avance en pilote automatique. Plus qu'"inattendu", le voyage est au contraire prévisible dans la moindre de ses bifurcations. On regrette que Peter Jackson se soit reposé sur ses acquis (et on ne parle pas de la musique d'Howard Shore qui ressasse essentiellement les mêmes thèmes de l'ancienne trilogie). La prise de risque est donc minimale et c'est bien dommage. Ainsi, pour parer à cette lassitude, on comprend que Jackson a décidé de mettre les bouchées doubles et d’étouffer le spectateur par son programme...Reste tout de même que cette nouvelle balade en Terre du Milieu est trop plaisante pour être boudée, et que lorsque vient le générique de fin, on a bien envie de crier au projectionniste de balancer la suite. Le Hobbit, c'est donc un cadeau de Noël qu'on n'attendait pas forcément : on est déçu mais ça reste sympa.

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