Le Roi, David Michôd, 2019

Avec Le Roi sorti sur Netflix fin 2019, le réalisateur australien David Michôd adapte deux pièces de William Shakespeare elles-mêmes inspirées de l'histoire du règne du roi Henri V et de sa campagne contre le royaume de France au XVème siècle.

Pas étranger à l'univers de la tragédie depuis Animal Kingdom, polar familial dans lequel un jeune marginal tente de s'émanciper de la violence de sa famille de criminels, Michôd réalise une épopée historique formellement très soignée mais sans souffle. A l'instar de son compatriote Justin Kurzel et son Macbeth, le cinéaste cultive une mise en scène en tension entre, d'une part, un réalisme cru (luminosité sous-exposée et contre-jours pour les scènes d'intérieur dans les palais mal éclairés, scènes de bataille aux chorégraphies brouillonnes et empesées par la lourdeur des armures, etc) et, d'autre part, des scènes stylisées à tendance arty (photographie très travaillée, ralentis, séquence de siège nocturne éclairée par le feu des boulets lancés dans le ciel...). Mais en dépit d'une certaine ambition visuelle, le scénario peine à donner pleinement corps aux obsessions et aux enjeux qu'il porte en son sein : la faute à une mise en place laborieuse mais aussi, et surtout, à la monotonie d'un récit raconté sans passion, à la gravité plombante, et incarné par des acteurs pas vraiment à la hauteur (Timothée Chalamet fait ce qu'il peut, mais accuse un manque d'envergure ; enfin, Robert Pattinson amuse et déconcerte tour à tour en dauphin frivole dont il singe le mauvais accent anglais).

Comme Kurzel avant lui, David Michôd pêche par manque d'audace : son Roi est un film sans aspérité, sans tripe et sans humanité, qu'on regarde de loin comme une belle tapisserie.