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For now we see through a glass, darkly...

Un blog consacré aux cinémas de tous âges et de tous horizons


Meurs, monstre, meurs, Alejandro Fadel, 2019

Publié par Romaric Berland sur 6 Juin 2019, 16:35pm

Catégories : #Cinéma sud-américain

C'est sur la béance d'une gorge coupée que s'ouvre Meurs, monstre, meurs : perdue au milieu de la Cordillère des Andes, une bergère agonise lentement, la tête renversée en arrière ouvrant plus grand la chair déchirée, comme un gouffre nous aspirant vers la fiction. Avec ce plan inaugural au gore appuyé, Alejandro Fadel installe efficacement les enjeux de son film. Entre série B d'horreur et trip expérimental, Meurs, monstre, meurs se veut un cauchemar organique autant qu'une plongée dans l'abîme d'une nature humaine insondable.

Mi-slasher mi-giallo, le film raconte l'enquête de Cruz, un policier montagnard bourru et un peu inquiétant chargé d'élucider les meurtres en série de femmes décapitées. Tout semble désigner David, un homme psychologiquement fragile marié à Francisca, future victime et amante de Cruz. Sauf que David explique entendre des voix et prétend qu'un monstre rôde dans la région...Partant d'une intrigue de polar campagnard, Alejandro Fadel s'écartera rapidement des voies toutes tracées pour nourrir son thriller d'onirisme dans le sillage du Possession d'Andrzej Zulawski ou du cinéma de Nicolas Winding Refn : contemplatif et anti-spectaculaire, le film refuse les ficelles narratives pour une errance sensorielle et poétique le long d'un territoire hanté par le Mal, un Mal diffus, difficile à circonscrire et à identifier. Tueur en série humain trop humain ou créature lovecraftienne produite par les désirs et les pulsions refoulées des hommes...Alejandro Fadel préserve le flou et l'ambiguïté jusqu'au bout : le monstre du titre semble autant venir d'Ailleurs qu'hébergé au fond de chacun, prêt à surgir. 

C'est précisément en jouant la carte de l'opacité -au risque de devenir hermétique- que Meurs, monstre, meurs trouve toute sa beauté. Tirant constamment vers la métaphore et le surréalisme, le film est un exercice de style formellement brillant, émaillé de trouvailles visuelles et porté par un travail sur le son assez prodigieux nous enveloppant dans son atmosphère moite et anxiogène. Reste au spectateur de se laisser dérouter par ce poème ténébreux bercé par les monologues abscons de David et la récurrence d'une formule répétée comme un mantra et qui résonne comme une imprécation : "Meurs, monstre, meurs". Nourri de fantastique et de cinéphilie, de violence et de fulgurances, le film d'Alejandro Fadel séduit assurément, et nous égare dans les entrelacs d'une nature sauvage où l'homme et le monstre se rencontrent jusqu'à se confondre.

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