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For now we see through a glass, darkly...

Un blog consacré aux cinémas de tous âges et de tous horizons


It comes at night, Trey Edward Shults, 2017

Publié par Romaric Berland sur 7 Juillet 2017, 14:48pm

Catégories : #Cinéma américain

Alors qu'une mystérieuse épidémie ravage le monde, Paul, sa femme Sarah et leur fils Travis se sont réfugiés dans leur maison familiale isolée en plein coeur d'une forêt. Mais un beau jour, un couple aux abois et leur jeune enfant font soudainement irruption sur leur propriété. Décidés à les accueillir, Paul et sa famille apprennent à vivre avec leurs nouveaux invités sous le même toit mais des tensions sourdes finissent par surgir...En mai dernier, Get Out de Jordan Peele avait fait sensation : petite série B d'horreur maline et grand public, elle constituait également un bilan très critique de l'ère Obama en constatant la recrudescence d'un racisme nouveau avec l'élection de Donald Trump. Un mois plus tard, Trey Edward Shults sort sur nos écrans It comes at night, son second film, et soumet le genre de l'horreur à une même mise à jour politique. Huis clos minimaliste mené avec beaucoup d'application et de savoir-faire, le film rejette dans le hors champ toutes les menaces -qu'elles fussent surnaturelles ou non- pour mieux questionner les origines du Mal, et les convictions morales des personnages et du spectateur. 

En résulte une frustration calculée pour tout public friand d'un cinéma d'horreur commercial plein de jump scares et autre bestiaire fantastique. En dépit de son beau titre mystérieux, It comes at night n'a rien d'autre à proposer que son intrigue psychologique et humaine coincée entre quatre murs : pas de zombie, pas de fantôme, pas de démon ne vient terroriser la vie de la petite famille la nuit venue. Au contraire, à ce programme convenu, Trey Edward Shults oppose une intrigue paranoïaque où c'est bien la localisation du Mal qui pose problème. Puisqu'elle reste toujours invisible, d'où va venir la menace ? Fort d'un dispositif qu'il maîtrise parfaitement, le cinéaste joue du motif de l'invasion et du refoulement, dans la lignée des films de John Carpenter (Assaut et The Thing en particulier) : pensée comme un espace hermétiquement clos, la maison est filmée comme une forteresse aseptisée et homogène, qui fait obstacle à l'extérieur contaminé, où tout apparaît comme suspect et menaçant. De sorte que tout ce qui est autre est systématiquement rejeté. C'est d'ailleurs sur l'ostracisme du grand-père atteint par le virus que le film s'ouvre : de manière ritualisée, les personnages refoulés par la famille sont évacués sur une brouette, avant d'être jetés dans une fosse, exécutés puis brûlés sans laisser de trace.  

Le réalisateur compose ainsi une intrigue survivaliste chargée et austère (qui n'est pas sans rappeler le meilleur de la saison 2 de Walking Dead avec ses dilemmes moraux et son suspense psychologique), et frustre constamment le désir de voir du spectateur pour mieux opérer dans son final un renversement implacable et d'une violence extrêmement crue : depuis le départ, le Mal n'était pas à chercher dans le hors champ, à l'extérieur de la maison, au fin fond de la forêt. Au contraire, il se trouvait tapi entre les quatre murs de la propriété, sous nos yeux, au sein de la famille. En renversant de façon spectaculaire la dialectique du champ et du hors champ, Trey Edward Shults met à nu son propos politique avec une parfaite évidence : à l'image de la famille qui se replie dans son foyer comme dans un bastion imprenable, c'est bien l'Amérique qui, à l'heure actuelle, se terre dans ses frontières, dresse ses murs et ses barrières, pour refouler à l'extérieur tout ce qui n'est pas elle (étrangers, migrants, autant d'Autres perçus comme des menaces potentielles par une nation plus paranoïaque que jamais). Après Get OutIt comes at night le confirme : le cinéma d'horreur trouve un nouveau souffle avec l'arrivée de Donald Trump au pouvoir et, à travers lui, avec la remontée de tous les vieux démons de l'Amérique.     

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