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For now we see through a glass, darkly...

Un blog consacré aux cinémas de tous âges et de tous horizons


Police Fédérale Los Angeles (To live and die in L.A.), William Friedkin, 1985

Publié par Romaric Berland sur 28 Janvier 2017, 16:40pm

Catégories : #Cinéma américain

Après les échecs successifs de Sorcerer et Cruising, William Friedkin a voulu revenir en grande pompe au milieu des années 80 avec Police Fédérale Los Angeles (To live and die in L.A.), une oeuvre que le réalisateur a pensé comme un film d’action commercial sur le modèle de son plus gros succès, French Connection (pour lequel il avait reçu l’Oscar du Meilleur réalisateur). Sous le soleil de la côte Ouest et les coups de guitare du groupe Wang Chung, Friedkin se moule avec brio dans l’esthétique des eighties pour mieux révéler la part mortifère et angoissante de cette décennie insouciante.

Froid comme l’acier, gris comme le béton, To live and die in L.A. apparaît tout simplement comme un remake survitaminé de French Connection. A la succession des filatures qui composent le polar de 1971, Friedkin oppose un enchaînement de courses poursuites infernales menées à un rythme effréné. Chez le réalisateur, tout est affaire de trajectoire : qu’elle soit rectiligne et orientée vers un but (French Connection, To live and die in L.A.) ou erratique comme une déambulation (Sorcerer, Cruising), la trajectoire du héros est toujours un dérapage incontrôlé, une dérive violente, comme attiré dans les courants du Mal. To live and die in L.A. pourrait presque se lire comme une œuvre abstraite, obsédée par la vitesse, se contentant de filmer des déplacements, des corps en mouvement, emportés dans leur dynamique, dépassés par leur propre énergie. Comme Popeye Doyle dans French Connection, Richard Chance est un flic tête brûlée obsédé par sa proie et prêt à toutes les transgressions pour l’atteindre. Chez Friedkin, le héros bout d’une énergie explosive, presque pathologique, qui l’entraîne dans une mécanique impossible à stopper. Le Mal est là, clairement identifié, mais les ressources pour l’arrêter sont inhumaines. Alors que les années 80 mettent en avant des figures puritaines et réactionnaires de héros sûrs de leur bon droit, certains d’incarner le camp du Bien (Star Wars, Indiana Jones, Rambo 2), Friedkin montre une nouvelle fois que la rectitude morale du héros est suspecte. Pire, elle est le miroir inversé, et surtout complémentaire, du Mal. A force de le côtoyer, de l’affronter sur son terrain, on finit contaminé, empoisonné par son venin.

To live and die in L.A. confronte ainsi deux trajectoires montées en parallèle, celle de Richard Chance et de Rick Masters, le chasseur et sa proie, le flic et son ennemi, vouées à se rencontrer. Faussaire de génie, Masters inonde la côte Ouest de faux billets, et à cette falsification du nerf de l’Amérique (le dollar) répond le brouillage de toutes les valeurs morales et humaines. Enchaînant les jeux de passe-passe et de faux semblants, Friedkin accouche d’une intrigue particulièrement tordue et perverse, opacifiant la frontière entre le Bien et le Mal, jusqu’à l’indistinction. La corruption est le thème principal de toute l’œuvre du cinéaste. Le réalisateur flirte volontiers avec le fantastique, fait de Masters un génie diabolique, omniscient, circulant partout, à l’image des billets qu’il confectionne. Là est son pouvoir, ce qui le rend intouchable : Masters –comme son nom l’indique- tire les ficelles de l’Amérique, il fait couler le business dans les veines du pays, imprime sa marque sur tout et sur tous, depuis son atelier secret que le cinéaste filme à la fin comme l’antre du Mal, une vision saisissante de l’Enfer. Polar halluciné et hallucinant, To live and die in L.A. déchire le vernis artificiel et ensoleillé des années 80, ramène l’Amérique à ses démons et est l’un des films les plus sombres du réalisateur. Au fond, la figure qui qualifie le mieux ce film malade est celle du tête-à-queue : emporté dans son propre mouvement, Friedkin fait dérailler la fiction et les personnages, renverse toutes les oppositions et les valeurs, pour nous laisser complètement désorienté, dans un final qui enchaîne les révélations avec cet art de l’ellipse et de l’ambiguïté qui le caractérise. Violent, nerveux, porté par les prestations venimeuses de William Petersen et Willem Dafoe, To live and die in L.A. est une œuvre déroutante à tout égard.

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