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For now we see through a glass, darkly...

Un blog consacré aux cinémas de tous âges et de tous horizons


L'Homme de l'Ouest, Anthony Mann, 1958

Publié par Romaric Berland sur 24 Octobre 2013, 17:58pm

Catégories : #Cinéma américain

Derrière son titre énigmatique (et au fond peu original pour un western), L'Homme de l'Ouest se révèle une oeuvre étonnante. S'il s'agit évidemment d'un western classique des années 50, la façon dont Anthony Mann traite ses personnages et met en atmosphère son récit n'est pas sans annoncer les westerns crépusculaires encore à venir. D'une noirceur particulièrement prononcée pour l'époque (et même encore aujourd'hui le spectateur parvient à ressentir cette violence viscérale), L'Homme de l'Ouest pourrait presque être considéré comme un huis-clos dans les grands espaces américains, où un homme en apparence sans histoire se retrouve piégé par les ombres de son passé (son ancienne bande de tueurs qu'il a jadis quittée pour une vie rangée).

Dans une atmosphère spectrale et fantomatique, Anthony Mann confronte ainsi Link (interprété par Gary Cooper) à son ancienne bande, dirigée par son oncle et mentor, père de substitution qui l'a éduqué à la violence. La thématique psychanalytique saute évidemment aux yeux : Link (en anglais "le lien" comme si son nom manifestait son attache à cette famille et à cette part de lui-même qu'il a refoulées) se trouve obligé de rompre avec son passé, pour devenir enfin un homme à part entière (et non plus ce jeune tueur enragé qu'il était jadis). Pour y parvenir, il doit néanmoins user de cette violence qu'il a fuie toute sa vie, et donc éliminer sa famille et le père qui la dirige, Doc. De manière particulièrement intéressante, Anthony Mann choisit de faire du groupe de bandits un ramassis d'animaux décharnés, déshumanisés, usés par leur existence de bêtes traquées, comme s'ils étaient plus victimes que responsables de leurs instincts, comme s'ils n'attendaient que d'être mis à mort.

Avec Anthony Mann, on le comprend, le western devient tragédie antique. On pourrait presque voir L'Homme de l'Ouest comme un film de fantôme où Link serait en fait confronté aux spectres de ses anciens compagnons depuis longtemps disparus mais qui reviennent le hanter, afin qu'il rompe la malédiction qui les habite tous. Cette interprétation est d'autant plus séduisante que les décors du films se résument à des ruines, des maisons abandonnées, des villes fantômes désertées depuis longtemps où les bandits prévoient même d'attaquer une banque qui n'existe plus (comme s'ils n'étaient plus en phase avec leur temps). Anthony Mann filme donc cette cohabitation étouffante, scrute la hantise muette d'un homme rattrapé par la violence qu'il a enfouie (étonnant Gary Cooper, au jeu peu expressif, assez opaque, mais qui laisse entrevoir toute la noirceur torturée du personnage). Loin des fresques historiques et humanistes d'un John Ford, Anthony Mann plonge de manière fort pessimiste dans le coeur d'une nature humaine piégée par ses instincts. Nul doute que le film saura inspirer de manière plus ou moins directe le brillant A history of violence de Cronenberg, qui radicalisera sensiblement la thématique de la violence et de la dualité identitaire.

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