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For now we see through a glass, darkly...

Un blog consacré aux cinémas de tous âges et de tous horizons


Hard Day, Kim Seong-Hun, 2015

Publié par Romaric Berland sur 16 Juin 2017, 17:17pm

Catégories : #Cinéma asiatique

Alors qu'il se rend à l'enterrement de sa mère, Gun-Su, un flic pourri visé par une enquête anti-corruption, renverse mortellement un homme par accident. Dépassé, il décide de cacher le corps avec celui de sa propre mère. Mais un homme mystérieux, qui a assisté à la scène, le harcèle par téléphone pour le faire chanter. Qui est-il ? Un justicier anonyme ou un truand aux intentions malhonnêtes ?...Avec ce polar haletant reposant sur une logique de surenchère dans les péripéties, Kim Seong-Hun conjugue le thriller coréen sur un mode résolument comique. Fort d'une écriture dynamique relançant perpétuellement l'action par l'irruption d'éléments perturbateurs toujours nouveaux, le réalisateur produit un film de genre bondissant et ramassé, qui avance à un rythme syncopé évitant tout temps mort. C'est déjà le premier mérite de Hard Day, qui trouve un ton et un tempo bien à lui, entre singularité affichée et respect des conventions. Sans pour autant parler de révolution, le genre du thriller à la coréenne s'en trouve revivifié avec simplicité, Kim Seong-Hun poussant son film sur le terrain de la satire sociale cynique et enlevée.

Car le cinéma coréen est toujours affaire de morale, et Hard Day ne déroge pas à la règle. Avec son personnage de bad lieutenant, Kim Seong-Hun fait le portrait d'une société coréenne marquée par une corruption généralisée. Le réalisateur ne manque d'ailleurs pas d'égratigner l'hypocrisie des conventions familiales puisque, derrière l'apparence d'être un "bon fils", Gun-Su n'a de cesse de profaner la tombe de sa mère et de suivre son intérêt personnel (au détriment de sa fille, qui passe sans cesse au second plan). Mais contrairement aux films de vengeance ou aux thrillers comme Old Boy et The Chaser, l'enjeu du film n'est pas d'aménager un cheminement au bout duquel le personnage sera amené à expier ses fautes pour devenir meilleur. En prenant ses distances avec l'influence très importante du mélodrame, Kim Seong-Hun déjoue la tendance moralisatrice du genre pour produire une oeuvre résolument amorale. Pour le réalisateur, le cinéma est une affaire de complicité partagée entre le protagoniste et le spectateur qui s'identifie à lui. Le film repose ainsi exclusivement sur le ressort hitchcockien du cadavre encombrant, et est suffisamment malin et manipulateur pour nous pousser à prendre parti pour un personnage pourtant exécrable. Embarrassé par un cadavre qui symbolise sa culpabilité, Gun-Su a pour seul enjeu d'effacer les preuves de ses crimes pour se refaire une conscience (voir le motif de la surface et de la profondeur que le film décline à l'envie : l'enterrement du cercueil, l'immersion de la voiture, autant d'actions qui visent à dissimuler la part que Gun-Su veut cacher à lui comme aux autres. Voir également les plans répétés sur les mains que l'on lave ou qui se retrouvent pleines de merde, façon de littéraliser la volonté du personnage à garder ses mains propres). Quelque part entre Blood simple des frères Coen et La Corde d'Hitchcock, Hard Day se révèle ainsi un film noir immoral qui confronte avec malice spectateur et personnage à leur mauvaise conscience.

En résulte un film moqueur et espiègle, dont la logique accumulative touche à la parodie, en particulier avec le bad guy du film, tout de noir vêtu, sorte de double maléfique de Gun-Su symbolisant sa part mauvaise et impossible à refouler. Dans son final, Hard Day va même jusqu'à flirter avec le film d'horreur fantastique tant le méchant increvable ne cesse de refaire surface malgré tous les stratagèmes déployés par Gun-Su pour l'éliminer (à l'image des tueurs de slashers qui n'en finissent pas de mourir et de revenir tourmenter les personnages). Dans cette discrète contagion des genres se lit toute l'habilité de Kim Seong-Hun, qui parvient à éviter parfois de justesse le grand-guignol des situations, en gardant toujours le cap de sa critique sociale et du portrait (im)moral de son personnage principal, en lutte avec ses démons intérieurs. Et si l'on peut regretter que la forme manque parfois de panache et que l'émotion demeure discrète, il n'en reste pas moins qu'Hard Day se pose comme une variation réussie autour du polar coréen que le cinéaste aborde avec distance et ironie. A voir !     

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